Actualités 10 juin 2022 selon Rothschild

La semaine a été marquée par la réunion de la politique monétaire de la BCE. Si le conseil des gouverneurs n’a pas souhaité inverser son calendrier en augmentant ses taux avant d’avoir mis fin à son programme de rachat d’actifs, il a clarifié jeudi le « chemin » qu’il va prendre pour normaliser sa politique monétaire. Le programme de rachat d’actifs, qui n’a pas été utilisé dans son intégralité, prendra fin le 1er juillet. Les taux courts seront augmentés de 25 points de base le 21 juillet prochain et une hausse de 50 points de base pourrait également avoir lieu en septembre. 

Alors qu’avant la guerre en Ukraine, Christine Lagarde avait déployé beaucoup d’énergie pour convaincre les investisseurs que les taux courts resteront inchangés en 2022, elle a désormais préparé les marchés à 125 points de base de hausse de taux d’ici la fin de l’année. Les actifs risqués ont réagi négativement à ces annonces : l’euro baissait à 1.06$, les spreads de crédit et périphériques se sont écartés et les actions européennes, mais également américaines, ont baissé. 

Ce chemin de normalisation n’est pas sans rappeler la dernière séquence de hausse des taux mise en œuvre par la BCE en 2011 (25 points de base en mars et 25 points de base en juillet) : l’inflation européenne était comme aujourd’hui une inflation essentiellement importée, avec des cours du pétrole qui avaient franchi les 120$. Ce précédent tour de vis monétaire avait eu pour effet de faire baisser l’euro (qui partait d’un niveau plus élevé à 1.50$) et d’écarter les spreads périphériques (l’écart de taux à 10 ans entre l’Italie et l’Allemagne était passé de 190 points de base à plus de 500 points de base contre 220 points de base aujourd’hui). 

Si l’Europe, et en particulier son système bancaire, sont indéniablement plus solides aujourd’hui qu’en 2011, les annonces de la BCE ont réveillé des craintes de fragmentation qui ont trouvé peu de réponses autres que des promesses que la préservation de la cohérence des taux au sein de la zone euro était une priorité de la BCE. L’exercice sera périlleux pour la BCE avec un seul outil, les taux, pour s’atteler à trois objectifs : faire refluer l’inflation vers sa cible de 2% (qu’elle anticipe pour 2024) tout en préservant l’euro (dont l’affaiblissement est source d’inflation importée), et en contenant les spreads périphériques. 

Nous maintenons notre vue négative quant aux actifs risqués européens. Nous préférons les actions chinoises dont la valorisation est plus attractive tandis que les politiques monétaires et budgétaires accommodantes devraient accompagner la reprise économique au sortir du confinement. La Fed étant plus avancée dans son cycle de resserrement monétaire que la BCE, nous pensons que les taux américains offrent une meilleure protection que les taux européens.

 

ACTIONS EUROPÉENNES

Les différents indices actions européens accusent le coup et chutent de plus de 3%. En cause, les craintes concernant la résilience du cycle de croissance en Europe. Un indicateur intéressant de cette tendance est la révision à la baisse effectuée aussi bien par l’OCDE et la banque mondiale qui alertent sur les risques que font peser les tensions persistantes sur les prix. Un exemple plus concret qui témoigne de cette baisse du pouvoir d’achat est la faiblesse des ventes de véhicules neufs au Royaume-Uni avec une baisse de 21% par rapport à mai 2021 (en volume). C’est dans ce contexte que la BCE a annoncé revoir à la hausse ses prévisions d’inflation et arrêter ses rachats d’actifs d’ici juillet. Christine Lagarde en a également profité pour pré-annoncer une remontée des taux directeurs dans les mois à venir.

Du côté microéconomique, l’entreprise de matériaux semi-conducteurs Soitec a publié ses résultats annuels en ligne avec les prévisions du management et en a profité pour annoncer l’extension de l’usine de Pasir Ris à Singapour. Suite au scandale qui a éclaté il y a quelque mois, l’entreprise Orpéa a dévoilé les résultats de son audit. Ce rapport montre que « si certaines de ces allégations ne sont pas avérées, il confirme aussi des dysfonctionnements et des comportements fautifs ».

Dans le secteur de la consommation, Carrefour vient d’obtenir le feu vert des autorités locales pour finaliser l’acquisition de Grupo BIG au Brésil. Dans le secteur de la santé, Sanofi a annoncé l’approbation pour son traitement contre l’eczéma atopique chez l’enfant. Enfin, dans un secteur plus rarement abordé ici, nous pouvons noter l’annonce par OL Group de discussions avec des investisseurs qui pourraient rentrer au capital de l’entreprise. Si rien n’est encore sûr, le nom de l’investisseur américain Foster Gillet est ressorti à plusieurs reprises dans la presse.

 

ACTIONS AMÉRICAINES

Les marchés américains se replient à nouveau (Dow Jones -2.93%, S&P 500 -3.81%, Nasdaq -4.57%) sur fond de nervosité avant la publication ce vendredi 10 juin de l’indice des prix à la consommation, attendu à +8.3%.

La secrétaire d’Etat au Trésor, Janet Yellen, auditionnée par le Sénat, indiquait que les Etats-Unis sont confrontés à un "niveau d'inflation inacceptable" et a plaidé pour une orientation budgétaire appropriée pour contribuer à atténuer les pressions inflationnistes sans nuire à l'économie. De son côté, la Secrétaire américaine au Commerce, Gina Raimondo, a estimé sur CNN qu'une levée des droits de douane sur certains produits chinois importés permettrait de lutter contre l'inflation.

Les futures sur les Fed Funds anticipent désormais à 72.5% la probabilité d’une remontée de 50 points de base des taux par la Fed lors de chacune de ses trois prochaines réunions en juin, juillet et septembre.

La banque mondiale a à nouveau abaissé ses prévisions de croissance mondiale à +2.9% (contre +4.1% en janvier et +3.2% au mois d’avril). Après la banque mondiale, c’est l’OCDE qui a significativement revu à la baisse ses prévisions de croissance globale pour 2022 (+3% contre +4.5% en décembre dernier) et 2023 (+2.75%). Dans le même temps, l’organisation anticipe une inflation proche de 9% cette année.

Le regain de tension sur les cours du brut (WTI +1% à 120$) a soutenu le secteur énergie.

Du côté des sociétés, le groupe de distribution Kohl’s progressait de 9.5% suite à une information du Wall Street Journal indiquant que la société serait en négociations avancées avec Franchise Group pour une acquisition valorisée à 8Mds$. La société affiche une capitalisation de 5.8Mds$ aujourd’hui.

La plateforme d’e-commerce Shopify progressait de 5.5% jeudi suite à l’annonce de la division par 10 de son titre. Amazon progressait de 2% après avoir annoncé une division par 20 du nominal afin de rendre le titre plus facilement investissable.

Twitter reculait de 1.5% suite à des accusations d’Elon Musk de dissimulation par la société d’informations sur le nombre de faux comptes et spams, qui pourrait le conduire à retirer son offre.

A l’occasion de sa conférence annuelle des développeurs, Apple a dévoilé jeudi de nouvelles fonctionnalités (dont la possibilité de payer à crédit avec Apple Pay) pour ses systèmes d’exploitation iOS, macOS et iPadOS ainsi qu’une nouvelle version des ordinateurs portables MacBook Air et MacBook Pro.

Selon Bloomberg, la plateforme de cryptomonnaies Coinbase annonce un gel sur les embauches et rompt les contrats de recrutements réalisés ces dernières semaines auprès d’employés qui ont démissionné de Goldman Sachs, Morgan Stanley, Blackrock, Wells Fargo et Citi pour le rejoindre.

 

ACTIONS JAPONAISES

Le Nikkei 225 et le TOPIX se sont inscrits en hausse de 3.04% et 2.21% sur la période. La levée des confinements en Chine et les bons chiffres de l’emploi aux États-Unis ont en partie apaisé les craintes de stagflation au niveau mondial. Par la suite, les prix des ressources naturelles et des produits alimentaires ont continué à grimper, et le regain d’inquiétude sur la perspective d’un nouveau relèvement des taux d’intérêt a exercé une pression baissière sur les cours boursiers mondiaux. Cependant, les actions japonaises ont été soutenues par le maintien en l’état des politiques monétaires, et par les flux de capitaux d’investisseurs étrangers à la recherche de bonnes affaires face à la faiblesse de la monnaie japonaise et au niveau relativement bas des valorisations des actions.

Le secteur minier et celui des produits issus du pétrole et du charbon ont bondi de 15.22% et 10.56% respectivement, alors que les prix des ressources naturelles continuaient de grimper malgré l’accord de l’OPEP Plus sur l’augmentation de la production. Le commerce de gros a gagné 5.05%, à la faveur, là encore, de la hausse des prix des matières premières. Le secteur du transport maritime a en revanche plongé de 9.36% face aux craintes de hausse des coûts. Les titres et matières premières et le secteur de l’assurance se sont repliés de 1.28% et 1.19% respectivement sous l’effet de prises de bénéfices après deux semaines de progression.

Fast Retailing Co. Ltd. a bondi de 10.58% sous l’effet du redressement des ventes, celles des magasins au Japon ayant augmenté de 17.5% sur un an en mai. M3 Inc., une plateforme d’informations médicales, s’est envolée de 9.08% suite à l’annonce de son rachat d’une société espagnole qui fournit des applications pour smartphones destinées aux médecins. ENEOS Holdings Inc. a grimpé de 9.03%, la tendance haussière des cours du pétrole étant susceptible de doper ses bénéfices. En revanche, Dai-ichi Life Holdings Inc. et Nomura Holdings Inc. ont chuté de 2.80% et 2.57% respectivement sous l’effet de prises de bénéfices. Nitori Holdings Co. Ltd. a reculé de 2.67% en raison des craintes entourant la hausse des coûts du fait de l’affaiblissement du yen.

Sur le marché des changes, le yen perd du terrain par rapport à la quasi-totalité des principales monnaies. L’USD/JPY a atteint le seuil de 134 yens, niveau le plus élevé depuis plus de 20 ans. Le niveau modeste de la hausse des cours boursiers par rapport à la dépréciation du yen signifie que les entreprises japonaises sont désormais mieux à même de résister aux fluctuations des taux de change qu’elles ne l’ont jamais été.

 

MARCHÉS EMERGENTS

L’indice MSCI EM a légèrement progressé au cours de la semaine (+0.64%, cours de jeudi à la clôture). La Chine a poursuivi son rebond et a gagné 5.88% en USD grâce à la levée du confinement à Shanghai et des nouveaux signes d’allègement de la réglementation dans le secteur de la technologie. Le marché indien a clôturé inchangé tandis que le Brésil a perdu 6%, les investisseurs s’inquiétant de nouvelles dépenses publiques pour subventionner le prix des carburants.

En Chine, la croissance des exportations s’est nettement accélérée à 16.9% sur un an en mai, contre 3.9% sur un an en avril, alors que les analystes tablaient sur 8%. La croissance des importations a également dépassé les attentes des analystes avec un rebond à 4.1% sur un an. L’indice IPC de mai a grimpé de 2.1% sur un an et celui des prix à la production a progressé de 6.4%, conformément aux prévisions. La Chine allège la répression réglementaire sur le secteur de la technologie, avec l’approbation de 60 nouveaux jeux en ligne. Le régulateur serait sur le point de conclure une enquête lancée il y a un an sur la plateforme d’autopartage Didi et de lever l’interdiction frappant l’inscription de nouveaux utilisateurs. La Commission chinoise de réglementation des valeurs mobilières a démenti les rumeurs selon lesquelles elle procéderait à un examen de l’introduction en bourse d’Ant, bien qu’elle se dise en faveur de la cotation des plateformes éligibles en Chine et à l’étranger.

Le président Biden a promulgué une exemption de taxes douanière d’une durée de deux ans pour les panneaux solaires en provenance de plusieurs pays d’Asie du Sud-Est. Le volume quotidien de trafic maritime et aérien à Shanghai connaît un net redressement et atteint plus de 90% du niveau normal. Les ventes de voitures particulières ont baissé de 17% sur un an en mai, mais se sont redressées en séquentiel et ont enregistré une hausse de 30% par rapport au mois d’avril. BYD a annoncé la signature d’un contrat portant sur la livraison de batteries à Tesla. Nio a rendu compte d’un volume de ventes et d’un chiffre d’affaires pour le premier trimestre 2022 conformes aux prévisions, mais les bénéfices sont ressortis inférieurs aux attentes, essentiellement en raison de la hausse des coûts des batteries. Les solides perspectives concernant les ventes de juin dénotent un redressement accéléré de la production grâce à la levée des restrictions liées au Covid-19 à Shanghai et dans les provinces environnantes.

À Taïwan, la hausse des prix à la consommation a atteint 3.39%, soit son niveau le plus élevé depuis 10 ans. TSMC a confirmé ses perspectives pour l’exercice lors de son assemblée générale et table sur une croissance de 30% de son chiffre d’affaires en glissement annuel en 2022, un taux supérieur aux prévisions antérieures en raison de la bonne tenue de la demande dans les segments de l’électronique et des véhicules électriques en dépit des incertitudes macroéconomiques. Les ventes d’Airtac en mai ont rebondi de 19% sur un an grâce à la levée des mesures de contrôle du Covid-19 en Chine.

En Thaïlande, la hausse des prix à la consommation s’est accélérée à 7.1% sur un an en mai contre 4.7% le mois dernier, dépassant les anticipations (+5.9%).

En Inde, la banque centrale a décidé à l’unanimité de rehausser son taux repo de 50 points de base à 4.90%. Les prévisions d’inflation en 2023 ont été révisées en hausse de 5.7% à 6.7%, et l’inflation devrait rester supérieure au seuil de tolérance de 6% durant les trois premiers trimestres. L’Inde entend doubler ses importations de pétrole russe, les entreprises publiques de raffinage étant très désireuses de bénéficier d’approvisionnements à prix cassés. Reliance et le fonds de private equity américain Apollo Global Management se sont associés pour présenter une offre de 5 milliards de livres sterling sur la chaîne de distribution britannique Boot’s.

Au Brésil, le gouvernement a proposé des subventions aux carburants pour limiter la forte hausse des coûts et alléger les difficultés causées par l’inflation. Le taux d’inflation (IPCA) est ressorti inférieur aux prévisions en mai (0.47% contre 0.6% attendu par les analystes et 0.59% en avril). Le Brésil devrait céder sa participation majoritaire dans Eletrobras, premier fournisseur d’électricité en Amérique latine, via une vente d’actions qui pourrait permettre de lever 7 milliards USD dans le cadre de la plus grande privatisation qu’ait connue le pays depuis plus de vingt ans. PagSeguros a rendu compte d’un Ebitda et d’un résultat net supérieurs aux attentes pour le premier trimestre 2022, ainsi que d’une prévision de chiffre d’affaires meilleure que prévu pour le deuxième trimestre, mais la réaction du marché s’est montrée négative en raison de la hausse importante des dépenses d’investissement. Itaú a annoncé la cession de sa participation de 1.21% dans XP à un prix inférieur au prix d’acquisition.

La banque centrale du Chili a sans surprise relevé ses taux de 75 points de base à 9% pour freiner l’accélération de l’inflation.

 

DETTES D’ENTREPRISES

CRÉDIT 
L’attention des investisseurs s’est focalisée au cours de la semaine sur le meeting de la banque centrale européenne. Comme attendu, cette dernière a annoncé l'arrêt de ses achats d'obligations sur les marchés dès le 1er juillet ainsi que son intention d'engager en juillet une série de hausses de ses taux d'intérêt pour tenter d'endiguer l'inflation, ce qui constitue un tournant dans la politique monétaire de l’institution. Les taux ont ainsi regagné du terrain au cours de la semaine avec un 10 ans étasunien qui a progressé de +10 points de base alors que son homologue germanique a gagné +14 points de base. Les primes de risque continuent également de s’écarter effaçant le rallye des deux précédentes semaines avec un Xover qui progresse de +47 points de base à 485 points de base et un Main s’écartant de +15 points de base. Le corollaire de ce double effet négatif a abouti à une performance du crédit Haut rendement de -0.74% au cours de la semaine et de -0.98% sur la dette d’entreprise Investment Grade.

Compte tenu de cet environnement peu porteur, le marché primaire du crédit Haut rendement est resté fermé au cours de la semaine. Côté actualité, notons le rapprochement entre Tullow Oil et Capricorn Energy afin de créer un acteur de premier plan sur le marché africain du pétrole avec des réserves combinées s’élevant à 1 milliard de barils.

Après deux semaines de reprise, les financières ont été légèrement plus faibles au cours de la semaine. Les spreads CoCo Euro s'établissent à 640 points de base, soit un peu plus que la semaine précédente, au cours de laquelle ils avaient clôturé à 625 points de base, et les CoCo USD à 448 points de base, soit 20 points de base de plus.

Le marché primaire a rouvert avec de nouvelles émissions dans l'espace Coco et T2, avec notamment Aviva GBP perpétuel à 6.875%, De Volksbank EUR perpétuel 7%, Vienna insurance Euro T2 4.875% 2042 et BFCM Euro T2 3.875% 2032.

Enfin, Credit Suisse a émis un avertissement sur les bénéfices qui a relancé les rumeurs de fusions et acquisitions après des années de sous-performance par rapport aux pairs.

CONVERTIBLES 
En dépit d’un environnement relativement peu porteur, le marché primaire des obligations convertibles est resté ouvert avec une émission outre-Atlantique. En effet, la société Redwood Trust, déjà présente sur le gisement des obligations convertibles, a placé $200Mn à 7.75% au travers d’une obligation ayant pour échéance Juin 2027. Redwood est spécialisé dans le marché du crédit au logement en tant qu’acteur dans le domaine des prêts hypothécaires immobiliers.

L’actualité au niveau des émetteurs est resté relativement calme alors que la saison des résultats du premier trimestre arrive à son échéance. Soulignons toutefois que le feuilleton EDF continue d’animer les places boursières européennes. Après l’échec du projet Hercules, l’augmentation de capital et les multiples avertissements sur résultat liés à la flambée des prix de l’énergie et à la décision de fixation des prix dictée par l’État français, c’est de nouveau le sujet de la nationalisation qui refait son apparition. En effet, le marché semble croire de plus en plus à un retrait de la cote parisienne orchestré par l’État français qui est actuellement actionnaire de référence avec pas moins de 84% du capital de l’énergéticien.

Achevé de rédiger le 10 juin 2022

 

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